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INFOCIVICA - IDENTITE ET DIVERSITE DE L'EUROPE  - 2 - Réarticulation de l'offre, préservation du local-global et politique connexe de production et d'acquisition des droits dans une perspective cross-média
Prix Italia Turin– 19 septembre 2011

Bruno Somalvico

Secrétaire Général d'Infocivica

REFOCALISER L'OFFRE PAR UNE INTERPRÉTATION HORIZONTALE ET CROSSMÉDIALE DU TRYPTIQUE DE JOHN REITH


Dès 1997, à l'aube de la télévision numérique, nous invitions le système radio-télévisuel national italien dans son ensemble ainsi que la radio-télévision publique à sortir de la mauvaise passe que traversait la télévision généraliste. Le système télévisuel national souffrait encore des effets de ce qui était généralement défini comme une sorte d'hyper-vitaminisation des grilles de programmmes.

Dans les années 80 naquirent les réseaux thématiques ainsi que la TV à-péage par câble ou dans le cas de Canal Plus par des canaux premium terrestres. Le Panorama s'élargissait et se structurait garantissant la création de nouvelles plateformes de distribution par cable ou antenne collective de type SMATV, ce mouvement s'est poursuivi dès la fin de ces mêmes années 80 par la réception satellitaire directe dans les exemples DTH et ce grâce aux satellites hybrides.
En Italie, en revanche, l'absence de régulation contribua a rigidifier la télévision généraliste, ce qui eut pour conséquence la création d'un duopôle parfaitement symétrique entre télévision publique et offre commerciale. Exception faite de Rai-Sat, première tentative de donnér vie à une chaîne pan-européenne multilingue, en collaboration avec l'Agence Spatiale Européenne et sur les cendres de la défunte Europa Television, cette période marqua la fin de cette ère placée sous le signe de l'expérimentation qu'avait été la période du monopole (Jeux Olympiques de 1960). Un nouveau souffle avait trouvé avec la transformation de Canale 2 en Rai Due après 1976 (sous la direction de Massimo Ficcera) puis avec la toute nouvelle Rai Tre à couverture nationale, confiée à Angelo Guglielmi,en 1986 et qui devait par ailleurs progressivement perdre ses traits de caractère « fédéralistes » originels dans sa phase de lancement en décembre 1979. La nationalisation de Rai 3 fut entreprise, nous vous le rappelons, pour faire face à la concurrence du trosième réseau commercial acquis par le Groupe Fininvest (créant alors cerre parfaite symétrie entre trois réseaux généralistes publics et trois réseaux commerciaux).

La loi Mammi ne fit pas que photographier cettre offre généraliste hypertrophiée qui empêchait le lancement de nouvelles platformes concurrentes ; le duopôle révélait une fragilité profonde : coûts stratosphériques des grilles, diversification très faible, pénurie en matière de gammes de produits d'appels comme les films ou les événements sportifs.
Le lancement des trois chaînes de Telepiù ne remédia que peu à cette situation, réduisant par ailleurs progressivement le nombre des films diffusés chaque semaine sur les chaînes en clair et inaugurant un processus visant à habituer les italiens à regarder un match de football à-péage dans une retransmission en différé en soirée.

Cette période de duopôle pan-généraliste s'est achevée avec le lancement des premières plateformes numériques à-péage mais jusqu'à la fusion entre les deux plateformes concurrentes et la naissance de Sky Italia, le marché télévisuel à-péage n'a jamais décollé.
Le législateur italien chercha alors à favoriser une politique d'innovation par la naissance, dans le respect des nouvelles et plus adaptées normes antitust, d'une plateforme « unique ». Tentative qui devait se révéler vaine et vélléitaire. A quelques notables exception près de la part de Tele Più, nous assistâmes dès lors et principalement et en substance, à la « customisation » de chaînes thématiques étrangères, c'est à dire à la création de leur version italienne tandis que d'autres chaînes toutes juste lancées allaient se limiter à débiter en tranche la télévision généraliste. Même la chaîne Rai News 24, née comme un projet technologiquement innovant en tant que lieu de production et point de triage de l'information en entrée et en sortie (aujourd'hui nous l'appelerions un crossmédial), devait toujours plus se muer en parent pauvre de la télévision généraliste, comme instrument à favoriser de nouveaux équilibres politiques internes au lieu d'une réelle innovation dans l'information à destination des citoyens alors que dans le même temps Sky TG 24 réussissait progressivement à s'imposer en bénéficiant du décollage de la télévision à-péage

Dans La fin de la communication de masse » sorti en 1997, nous invitions l'Italie à abandonner la télévision généraliste verticale et à recomposer une offre généraliste désormais tournée vers tous les publics sur un mini-bouquet, avec des programmations fortes et crédibles et qui serait composé de chaînes générallistes et thématiques (ces dernières étant moins soumises à la dictature de l'audimat et capables de jouer le rôle expérimental d'ouvreur de pistes : un unique réseau national généraliste, un second, national également, à vocation internationale visant à réunir les membres de la diaspora italienne dans le monde tout en atténuant fortement l'effet soupe (minestra) réchauffée des premieres projections à l'international des chaînes-étendard, un réseau fédéraliste qui se développerait sur le modèle de France 3 avec des décrochages pour des informations locales, quelques chaînes thématiques (une chaîne éducative, une d'information 24/2, une chaîne civico-parlementaire (ceci fit l'objet d'une proposition à Amalfi en 2000), une chaîne du travail et de l'économie, une chaîne d'information et d'événements sportifs, une autre dédiée aux événements culturels pour la promotion du spectacle-vivant et des industries culturelles vulnérables (avec la possibilité de mettre sur pied des formules commerciales originales à-péage en coopération avec les organisateurs de l'événement). Nous proposions pour conclure, alors, une hyper-télévidéo c'est à dire un système avancé de télétexte qui servirait de guide électronique simplifié des programmes et qui soit en mesure d'accompagner les moins technologiquement éduqués lors de leur entrée dans un nouvel univers qui ne se limiterait plus à l'offre multi-chaînes mais au contraire à un complexe réticulaire pour accéder à des programmes « réservés » ou mieux « certifiés ».

Nous dénoncions en 2003 la nouvelle Babel électronique qui s'était créée en Italie avec la formation d'un tripôle, en lieu et place d'un nouveau duopôle, désormais constitué par deux gigantesques nains (pour reprendre l'expression de Carlo Macchitella), nos champions nationaux, Rai et Mediaset, et par un groupe global centré sur un produit éditorial décliné en différentes formes médiatiques et plateformes de distribution, News Corporation. Nous insistions sur le caractère ouvert, universel et sans étranglements par des formes propriétaires que devrait prendre une nouvelle plateforme mixte de services linéaires et non-linéaires mais aussi sur les risques d'un passage de la dictaure de l'audimat à celle de la plateforme verticale de Murdoch (la forte mise en garde de Pierre Musso : privatisations des droits à la hausse et des usagers à la baisse).

Dans le même temps et avec le début du passage au tout-numérique, l'offre numérique terrestre a permis d'élargir le public multi-chaînes en donnant vie à de nouveaux programmes qui n'ont, au mieux, fait que découper en tranches la télévision généraliste, à quelques notables exceptions près tandis que la vieille tentative pour constituer un troisième pôle autour de la Sept, et ce avec quelque opportuns greffons dans ses propres grilles, mettant à profit la crise du service public, a commencé à se consolider tout au moins dans l'opinion publique et dans les classes dirigeantes du Pays. À la veille de l'achèvement du switch-off, l'offre du service public s'appuie désormais sur un nombre beaucoup plus considérables de chaînes, dont beaucoup sont faibles et peu significatives et insuffisamment influentes. Certaines encore se sont perdues en route. D'autres (sportives et éducatives) finalement, assument leur nature : d'entre toutes se détache certainement RaiStoria qui me semble répondre parfaitement, avec la structure de RAI 150, aux attentes que l'on peut avoir d'un service public : éduquer, informer et divertir dans le respect de l'intelligence des citoyens et non pas seulement pour créer des audiences entre deux tunnels publicitaires ; non pas plus de tout mais mieux et plus conforme à la mission de cohésion sociale que nous évoquions lors de notre précédent sémianaire en 2010.

La télévision de connexion est destinée a accompagner progressivement tous les usagers dans l'univers des réseaux. C'est un phénomène inéluctable, destiné à toujours plus concerner le corps social : le réseau va devenir le dépôt de la mémoire historique de la nation, le lieu de la formation et du travail, le principal instrument, également, de l'élaboration politique et de décision des classes dirigeantes. Le médium prédominant au XXIème siècle. Le service public ne pourra rien imposer aux usagers. Il pourra seulement s'imposer et se faire une place au soleil qu'en tant qu'il redéclinera de façon influente et crédible son offre.