Andrea Melodia
REPENSER L'OFFRE POUR UN PUBLIC GÉNÉRALISTE À L'ÉRE DE LA FRAGMENTION
Vitesse et synthèse, mais aussi superficialité et dispersion, sont les nouveaux paradigmes de la communication. La diffusion sur un mode unidirectionnel, conquise au siècle dernier, est en voie de se faire remplacer par la liaison bidirectionnelle et connectée, conquête contemporaine. C'est aujourd'hui l'individu et non plus les masses qui est au centre. Comment le contacter ?
Dans ce nouveau modèle c'est à lui qu'il reviendra de nous chercher et c'est donc par le marketing que tout se jouera. Quoiqu'il en soit, je ne crois pas la société qui est et sera la nôtre en soit capable et ce à moins d'un appel général, comme réponse à l'urgence, aux crises, mais aussi comme guide pour chacun, fil rouge, instrument de cohésion sociale, de sens de l'appartenance, de reconnaissancetant dans une commune famille humaine que dans la fragmentation des sociétés, des langues, des cultures, des religions, des traditions locales. Ceci est le futur du service public radio-télévisuel et multimédias, généraliste par essence, institutionnel par mandat, libre et utopique par nécessité.
Si on consent à cet objectif qui voit le service public comme, peut-être, un solitaire survivant de la communication généraliste dans une époque de fragmentation, il convient de superviser la transition en aidant les grandes télévisions généralistes, publiques et privées, à entrer dans le périmètre des grilles de programmes autogérées par les individus-mêmes et ce avec les meilleurs atouts. Celles qui seront sauvées, reconduisant la confiance des individus dans les nouveaux paradigmes communicationnels deviendront, en quelque sorte, service public. Chemin faisant, on se devra de finalement décider si cette tâche mérite un financement garanti et une libre-gouvernance, compétente et constitutionnellement protégée.
Il est plus facile d'énumérer les erreurs d'aujourd'hui dans cette évolution que de donner des conseils. Les erreurs les plus évidentes sont celles de ceux qui cherchent seulement la survie de l'offre généraliste acceptant l'idée qu'elle ne se réduise qu'à satisfaire les besoins des plus anciens, victimes de la fracture numérique et de la paresse culturelle. Ce sont aussi ces programmes longs, indigestes, inadaptés à être recyclés sous formes de pilules. Erreurs de ceux qui font de l'information partiale, suscitant en retour le refus de ceux qui ne s'y reconnaissent pas, au lieu d'une information au service de tous et de la vérité.
De ceux qui ne se rendent pas compte de l'impérieuse obligation de réorganiser la production de l'information radio-télévisuelle sur le mode que requiert l'immédiateté des réseaux plutôt que de reconduire les canoniques rendez-vous d'un grille de programmes. De ceux qui croient que le pluralisme se garantit par l'armement des oppositions extrêmes. De ceux qui confondent politique et spectacle. De ceux qui ne savent pas conjuguer culture, volonté de savoir, curiosité avec divertissement et passions. De ceux qui remplissent les grilles de bric-à-brac à la mode, dénichés dans le tout-jetable de la communication. De ceux qui ne connaissent pas le rattrapage, la récupération, l'archivage, à la réutilisation et à la valorisation de tout ce qui est produit par le recours à tous les médias possibles. Cette litanie pourrait se poursuivre.
Pour ce qui est des recommandations, me vient un seul conseil que je veux donner concrètement à la Rai qui est l'entreprise d'où je viens et à qui je dois tant. Qu'elle accepte son redimensionnement, qui ne doit pas être fait selon une insensée privatisation mais plutôt d'une volonté indépendante de couper ce qui n'est pas nécessaire au nouvau projet. Qu'elle n'attende pas que la politique résolve à sa place ses problèmes mais qu'elle revendique de le faire par elle-même, elle en a les capacités. Et qu'elle remette la qualité du produit au centre de ses préoccupations, les citoyens le comprendront et lui redonneront alors cette confiance qui est aujourd'hui plus qu'incertaine.
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